L’inégalité salariale est une réalité incontestée : en 2015, l’OIT pointe qu’en moyenne dans le monde les femmes gagnent 77% de ce que perçoivent les hommes. Et même lorsque l’on considère la situation toutes choses égales par ailleurs (mêmes diplôme, âge, expérience, ancienneté dans l’entreprise, etc.), elles perçoivent en moyenne 15% de moins que leurs homologues masculins. C’est ce qu’on appelle l’écart inexpliqué.
Qui ne demande rien… n’a rien !
Pour tenter d’éclaircir cet écart, nombreux·ses sont celles et ceux qui, à l’instar de l’économiste Linda Babcock et la journaliste Sara Laschever, avancent l’idée que les femmes n’osent pas demander autant que les hommes. Trop « gentilles » et attachées à la relation, elles ne se permettraient pas l’assertivité nécessaire en négociation. Si certaines peuvent être dans une posture attentiste, telle Cendrillon se languissant que l’on repère son talent, il semblerait qu’à l’échelle globale, les femmes demandent en fait tout autant d’augmentations que les hommes.
C’est en tout cas ce que révèle une récente étude de Benjamin Artz, Amanda Goodall et Andrew Oswald de l’université du Wisconsin, de la Cass Business School de Londres et de l’université de Warwick publiée en octobre 2018.
Qui demande… n’obtient pas forcément !
En se basant sur les données de 4600 employés issus de 840 lieux de travail choisis au hasard dans une base statistique représentative de tous les milieux de travail en Australie (Australian Relations Survey), les auteur·e·s de l’étude mettent en évidence que 75% des hommes ont demandé une augmentation de salaire entre 2013 et 2014, contre 66% des femmes.
Cette différence s’explique par le contexte professionnel plus que par des différences liées au genre : par exemple, lorsque 48% des hommes sondés travaillent dans un environnement où les salaires se négocient, ce n’est le cas que pour 33% des femmes interrogées. De fait, quand on réinterroge la base de données « toutes choses égales par ailleurs », les auteur·e·s de l’étude découvrent qu’en réalité, les femmes demandent des augmentations exactement aussi souvent que les hommes. L’aboutissement n’est en revanche pas le même, puisque 15% des femmes qui ont demandé une augmentation l’ont obtenu, pour 20% des hommes…
Le manque d’assertivité supposée des femmes n’est donc pas en cause, d’autant que les statistiques montrent que les femmes ne sont pas inquiétées outre mesure à l’idée d’une dégradation de la relation avec leur supérieur·e. Cette découverte bat ainsi en brèche l’idée selon laquelle les femmes, « osant moins demander », seraient en partie responsables des inégalités salariales dont elles sont victimes.
Vers une nouvelle ère plus égalitaire ?
Bonne nouvelle, un effet de cohorte semble se manifester sur le critère de l’âge : les plus jeunes générations présentent des résultats différents par rapport à leurs aîné·e·s, allant dans le sens d’une plus grande indistinction en matière de genre. Même en termes d’obtention des augmentations, les statistiques hommes-femmes tendent à se confondre, amenant les rapporteur·se·s de l’étude à émettre l’hypothèse que les comportements en négociation évoluent dans le bon sens.
Valentine Poisson, pour le webmagazine EVE