On a souvent eu un moment de doute devant l’entrée de la boîte de nuit, à la lecture de la pancarte « Gratuit pour les filles ».
On s’est demandé, plus ou moins naïvement, en quelle monnaie on allait payer notre soirée si nos sous indépendamment et fièrement gagnés ne valaient pas le prix d’un ticket pour aller danser…
Cet automne, Blandine Métayer inverse la proposition : son spectacle Je suis top, c’est gratuit pour les garçons! Mais alors, eux, que vont-ils donner en échange? De l’écoute, de l’attention, de la prise de conscience de ce que sont vraiment les inégalités.
Pour célébrer la reprise de Je suis top et saluer l’excellente initiative « gratuit pour les hommes », nous avons brièvement interrogé Blandine Métayer, entre deux répétitions.
Programme EVE : Bonjour Blandine Métayer. Et tout d’abord, félicitations. La reprise de « Je suis top » à partir du 24 septembre, c’est le signe que votre spectacle a du succès.
Blandine Méteyer : Oui, je suis ravie. D’autant qu’il y a du neuf : on change de lieu, je serai maintenant au Théâtre de l’Archipel, une salle que j’adore. Et puis, j’ai passé beaucoup de temps cet été à repenser la pièce. J’y ai ajouté des choses qui m’amusent et surtout m’interpellent.
Programme EVE : Comme quoi par exemple?
Blandine Métayer : Je voulais parler de l’hypersexualisation de la société et des modèles ultra-stéréotypés qui sont véhiculés à travers elle. Par exemple, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de voir des clips de rap ou de musique actuelle (il y a un grand écran qui diffuse ça en continu chez ma manucure, qui par bonheur, coupe le son… Déjà que les images, c’est du lourd!) : c’est une galerie d’images dignes des films pornos d’il y a 20 ans. J’ai voulu insérer quelque chose dans la pièce qui dirait avec humour ce qu’il y a de révélateur, et aussi d’un peu inquiétant, dans cette imagerie caricutale des rapports hommes/femmes.
Programme EVE : Comment réagissent les hommes et les femmes qui assistent aux représentations de « Je suis top »?
Blandine Métayer : Les femmes rient beaucoup. Mais parfois, assez jaune. Ca sent le vécu. On entend que leur rire est à la fois chargé et libérateur.
Chez les hommes, j’ai observé deux types de réaction : il y a ceux qui admettent que le spectacle est drôle, mais qui sont dans une forme de déni. Ils ne peuvent pas croire que la vie d’une femme en entreprise, c’est vraiment ça, que c’est encore ça. Ils voudraient que « les choses aient changé » ou en tout cas qu’on leur dise qu’elles ont changé. Ils me soupçonnent d’exagérer. Mais quand je leur dis que rien n’est inventé, que ce ne sont que des exemples réels et récents, ils prennent conscience de cette réalité et ils ont envie que ça change vraiment.
L’autre réaction que j’ai constaté chez de nombreux hommes, c’est qu’ils sortaient du spectacle bouleversés, les yeux rougis par l’émotion. Ils me disent que pendant une heure dix, ils ont vécu la vie d’une femme, et que ça a été un vrai choc pour eux. C’est un immense compliment pour l’auteure et la comédienne que je suis : le théâtre, c’est ça, c’est permettre à quiconque de se mettre dans la peau du personnage. Moi, quand je vais voir Cyrano, je deviens Cyrano le temps de la pièce, même si dans la vie de tous les jours, je ne suis pas un homme à grand nez au XVIIè siècle. Que pendant une heure et quelques, des hommes deviennent Catherine Boissard, la femme « top manager » qui est parvenue à percer le plafond de verre, ça m’enchante.
Programme EVE : Vous avez eu cette idée de génie, à l’occasion de la reprise de la pièce cet automne de lancer la campagne « gratuit pour les hommes »…
Blandine Métayer : Oui, en fait, c’est mon producteur, David Riquet, qui a eu cette brillante idée. On veut inviter les hommes à venir écouter le discours de cette pièce, mais on veut aussi offrir aux femmes l’occasion d’être moteur de la marche vers l’égalité. Ce soir, ce sont elles qui invitent! Ce sont elles qui font la démarche d’embarquer un conjoint, un copain, un collègue (je précise que ce n’est pas une « offre couple » mais une « offre duo », on vient avec l’homme qu’on veut, son frère, son amant, son père, son fils, son copain hétéro ou gay…). L’objectif, c’est d’avoir des salles mixtes, parce que la pièce se prolonge toujours dans de longues discussions devant le parvis du théâtre et que c’est mieux si on est autant d’hommes que de femmes à débattre de ce sujet-là!
Propos recueillis par Marie Donzel
Modalités de l’offre « gratuit pour les hommes » :
Offre valable du 24 septembre au 6 novembre : pour une place achetée par une femme, une place gratuite pour l’homme de son choix.
Uniquement sur réservation auprès du théâtre : 01 48 00 04 05 – réservation indispensable : indiquez la date à laquelle vous souhaitez assister au spectacle et les noms et prénoms de la femme et de l’homme.
Théâtre de l’Archipel :
17 boulevard de Strasbourg
75010 PARIS
Plus d’info sur le site de Blandine Métayer
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