Entrepreneur, coach de dirigeants, conférencier et chercheur associé à la Chaire ESSEC du changement, Yves Le Bihan a fondé l’Institut Français du Leadership Positif, le Think & Do tank de l’exploration des nouveaux modèles de leadership et de la transformation des dirigeants et des organisations. Il est à l’origine du modèle du Leader Positif en France.
Avouez-le, vous pensez que la compassion n’a pas sa place dans le monde sans pitié des entreprises ? Et pourtant de nouvelles recherches montrent qu’elle pourrait être l’une des compétences clés des dirigeants. Le Compassion Lab du Michigan suggère que les dirigeants faisant preuve de compassion envers leurs employés favorisent la résilience individuelle et collective dans les périodes de changement. Une recherche pionnière de l’Institut Français du Leadership Positif démontre que le développement de la dimension Compassion-Empathie du leader impacte positivement la perception de justice et la reconnaissance chez ses salariés. Compassion vient du latin « passio » (souffrir) associé au préfixe « com » (avec) et procède en 3 temps : 1- prendre conscience de la souffrance d’autrui, 2- se sentir concerné par cette souffrance, 3- agir pour réduire ou éradiquer cette souffrance.
Accepter ses failles est un acte de courage, pas un aveu de faiblesse.
Bâtir une relation empathique avec ses collaborateurs passe par le défi de prendre en compte ses propres failles et vulnérabilités. Difficile d’avouer ses zones de fragilité, ou d’insécurité psychologique à son board, non ? La plupart du temps, nous cherchons à les masquer, y compris à nous-mêmes. Prendre conscience des vulnérabilités de l’autre passe par accepter les siennes avec courage.
Parmi les croyances limitantes, les doutes, les failles, les zones d’insécurité d’un dirigeant, nous trouvons notamment :
- le besoin excessif de contrôler les choses;
- la quête de perfection ;
- la peur de ne pas se sentir suffisamment à la hauteur et apprécié́ ;
- l’autocritique ;
- la peur de l’échec, du jugement d’autrui; de décevoir
- les attentes de soi ou des autres exagérément élevées ;
- l’anxiété sociale ;
- la peur de mourir…
Les 3 piliers de l’auto-compassion
Le docteur Kristin Neff, (Université du Texas), définit l’autocompassion comme «la capacité d’accueillir sa propre souffrance avec chaleur, ouverture et intérêt». Alors que l’estime de soi se nourrit de circonstances extérieures (comparaison sociale, défense de son égo) et d’autoévaluation (valorisation, voire narcissisme), l’autocompassion est neutre et toujours disponible. Elle permet de développer une plus grande résilience émotionnelle, une attention plus grande au soin de soi et des autres. Développer la compassion envers soi-même repose sur 3 leviers que l’on peut entrainer :
– Être bon et compréhensif envers soi dans les moments d’échec et de douleur, plutôt que de se juger et de se critiquer négativement.
– Percevoir sa propre souffrance et son échec personnel comme faisant partie d’une expérience humaine plus large et partagée, plutôt que comme une expérience isolée.
– Rester ancré dans l’instant présent de l’expérience difficile, sans chercher à se projeter.
5 minutes d’auto-compassion par jour pour muscler sa résilience !
Un leadership plus compassionnel déclenche plus d’engagement et de lien pro-social (je sais que je peux compter sur mon dirigeant en cas de besoin). Il inspire confiance en l’autre et génère, in fine, plus de performance. Êtes-vous dur avec vous-même en tant que leader? Portez-vous l’armure du héros insensible aux émotions des autres, dur au mal et dénué de compassion envers vous-même ? Un des moyens de cultiver notre auto-compassion consiste à méditer régulièrement.
Les chercheurs démontrent que les individus très résilients mobilisent leurs émotions positives plus facilement et plus régulièrement que les personnes moins résilientes. La compassion est l’une des clés précieuses pour cultiver notre résilience. Une recherche, menée par G. T. Jinpa en 2013, a montré qu’un programme d’entraînement à la compassion de 9 semaines (Compassion Cultivating Training) pouvait augmenter notre capacité de compassion pour autrui, mais aussi notre disposition à recevoir celle des autres, ainsi que notre auto-compassion.
La compassion envers soi est donc un trait de leadership que l’on peut développer à condition d’entrainer son esprit régulièrement. Voici 4 étapes quotidiennes simples :
- Entrer en intimité avec ses émotions : reconnaitre, nommer et accepter ses émotions et ses sensations physiques, quelle qu’en soit leur nature agréable ou désagréable.
- Identifier le souhait le plus profond ou un désir inassouvi derrière chaque émotion. Qu’est-ce qui est cher ou menacé pour vous ? Qu’est-ce qui a beaucoup de valeur pour vous et que vous essayez de protéger dans l’épreuve subie ?
- Changer la fréquence de sa radio interne. Remplacez ses monologues intérieurs d’autocritique et de jugements sévères par un dialogue avec son réservoir de bonté : quand j’échoue dans un défi important pour moi, je remets les choses en perspective.
- Admettre l’universalité de la condition humaine. Reconnaitre que la frustration, le découragement, les déceptions sont des expériences que tout être humain connaît.
Le Forum de l’économie mondiale à Davos l’année dernière suggérait que l’entrainement de l’esprit des dirigeants (comme la méditation de pleine conscience) favoriserait des attitudes plus saines et éthiques et faciliterait la transformation des organisations vers un système capitaliste plus responsable, inclusif et altruiste.
Pour découvrir les outils du leader positif: lire « Le Leader positif » (Editions Eyrolles) ou consulter le site : www/positiveleadership.fr.