Anne-Charlotte est intervenante au Programme EVE 2017. Elle anime un atelier sur le Yoga Corporate, une méthode élaborée par Yogist pour soulager et prévenir le stress et les tensions causés par la vie professionnelle. Nous avons voulu en savoir plus sur son métier et les bénéfices de cette pratique.
1/ Comment passe-t-on du métier de Directrice conseil à celui de professeur de Yoga ?
Dit comme cela, mon parcours peut en effet paraître comme un virage à 360 degrés ! Mais ce « switch » est à la fois cohérent avec mon expérience professionnelle et mon histoire personnelle. Je vous explique… J’ai découvert le yoga il y a dix ans, quand j’étais étudiante en 1ere année à HEC et que je dirigeais une mission humanitaire en Afrique. J’ai été renversée par un gendarme à moto et suis restée gravement handicapée. Devenue consultante en stratégie, j’ai découvert le yoga lors de ma rééducation et j’ai recouvré l’usage de ma jambe grâce à cette pratique ancestrale. En 2015, j’ai quitté ma carrière pour partir en Inde me former au yoga thérapeutique. Convaincue que le yoga a changé ma vie, j’ai développé une nouvelle méthode pour diffuser ses bienfaits auprès de ceux qui en ont le plus besoin : les entreprises et leurs collaborateurs ! J’ai donc créé YOGIST-Bien au Bureau (www.yogist.co), la première start-up de « yoga corporate » pour lutter contre le stress en entreprise et les douleurs liées au travail sur écran.
Lorsque j’étais consultante en stratégie, mon métier était de trouver des solutions à des problématiques complexes, souvent avec des élaborations compliquées et théoriques… J’accompagnais des managers et dirigeants d’entreprises et j’ai commencé à leur donner des conseils issus de ma pratique du yoga pour être plus concentré, plus impactant pendant une prise de parole en public, ou encore pour supprimer une douleur au dos ou un problème d’insomnie… Mes clients m’en furent plus reconnaissants que pour mes notes de consultante ! Aujourd’hui, j’adopte une même démarche de conseil en adaptant le yoga au monde de l’entreprise et aux problématiques RH, de conduite du changement, de prévention-santé et d’amélioration des performances. Seule la solution a changé : moins de powerpoint, davantage de techniques qui impliquent le corps, la respiration, une discipline globale. Ma mission est de faire du yoga corporate un outil de prévention-santé et de management en entreprise.
2/ Comment expliques tu le besoin aigu de renouer avec son équilibre qui s’exprime aujourd’hui chez les collaborateurs et collaboratrices en entreprise ?
10 ans après la vague de suicides qui avait ému la France entière, la Qualité de Vie au Travail – le pilier humain du développement durable – est (enfin), au cœur des préoccupations des entreprises et des collaborateurs, et même des médias. Au moment de la robotisation et de la digitalisation, la liberté du freelance fait rêver, la figure de l’entrepreneur a remplacé celle de l’artiste dans l’inconscient collectif, la génération Z ne tire plus de fierté à faire des « nocturnes », les jeunes diplômés fuient la Défense et, malgré la crise, certains n’hésitent plus à quitter leur job sans avoir trouvé le prochain pour « travailler pour eux-mêmes ». L’ « expérience salarié », la « marque employeur », l’attractivité des entreprises sur le plan humain sont le nouveau mot d’ordre. Les actions qui vont vraiment créer du lien, protéger la santé mentale et physique des salariés et, peut-être, réenchanter le travail, sont désormais au cœur des préoccupations. Car chacun et chacune peut faire l’expérience du mal-être au travail. De l’hôtesse d’accueil au cadre dirigeant, nous passons tous la plupart de nos journées assis – et mal assis, à plisser les yeux devant notre écran d’ordinateur ou à courir de réunion en réunion. Nous ressentons tous des maux de dos, des insomnies, des tendinites de la souris, une fatigue oculaire liée aux écrans et à l’air conditionné. Quand on sait que la lombalgie (le stade ultime du mal de dos à cause de la sédentarité et du stress) coûte en moyenne 44000 euros et fait perdre plus de 8 millions de journées de travail aux entreprises, quand on apprend que 80 % des Français souffrent ou souffriront un jour du dos, il y a de quoi frémir… Sans atteindre de telles extrémités, avez-vous déjà réussi à travailler efficacement et à rester concentré en réunion avec, au choix, un torticolis, une migraine, un lumbago ? Sans parler du « présentéisme » — les salariés présents au travail mais qui connaissent une forte baisse de productivité parce qu’ils sont malades, épuisés, en état de mal-être psychologique ou complètement démotivés ; ce nouveau phénomène qui explose : il ferait perdre entre 14 et 24 milliards d’euros (soit deux fois plus que l’absentéisme) aux entreprises.
C’est là que l’importance de la Qualité de vie au travail, du développement et de l’épanouissement personnels deviennent palpables ; quand ils impactent le corps et la santé. Les collaborateurs sont à la recherche de sens dans leur métier. Ils ne veulent plus sacrifier leur vie personnelle et leur santé pour un job qui ne les passionne pas (ou plus). Ils veulent placer l’humain au cœur de l’organisation, œuvrer pour leur épanouissement personnel, leur créativité, le fonctionnement harmonieux des équipes. Et une telle démarche d’enrichissement personnel des collaborateurs ne peut que se répercuter, à terme, sur la productivité, les performances individuelles et collectives, la capacité de l’organisation à innover. L’entreprise améliore ainsi son attractivité et sa capacité à retenir les talents, booste sa compétitivité. C’est un « win win » !
3/Pour toi, de quoi est fait le leadership d’avenir ?
Les cadres et les managers ont souvent l’impression de « porter le monde » sur leurs épaules, de devoir pousser leurs collaborateurs vers l’avant, et les femmes cumulent la charge de la vie familiale à celle de la vie professionnelle. Le besoin de renouer avec un équilibre, de prendre soin de soi, provient tout simplement à mon sens du fait que la conception actuelle du management et du leadership, n’est plus tenable. Dans notre société, le manager est encore trop souvent celui qui centralise, donne les ordres, contrôle, encourage ou punit. Le leadership d’avenir repose, selon moi, sur notre capacité à reconnaître dans la personnalité des collaborateurs la richesse liée à des traits qui ne sont pas strictement « corporate ». A voir dans leurs talents, leur curiosité, leurs compétences qui n’ont pas trait au « cœur » du business de l’entreprise, comme un atout. A valoriser les profils hybrides ou non conventionnels. A réfléchir hors des cadres, du parcours et du CV, à recruter « la bonne personne », et non le meilleur candidat. A s’affranchir peu à peu de la hiérarchie figée pour viser l’autonomie qui mène à l’efficacité et la créativité. Elon Musk s’est fendu il y a peu d’une note interne à Tesla fustigeant la manière « stupide », basée sur la hiérarchie et les silos, dont nous communiquons au sein des entreprises. Et encourage chacun à communiquer directement avec la personne qu’elle pense être la plus à même de résoudre le problème rencontré, pourvu qu’il soit persuadé que cela est dans le plus grand intérêt de l’organisation. Cette idée que nous sommes tous dans le même bateau au lieu de considérer les autres comme des rivaux dont il faut limiter l’accès à l’information stratégique, me paraît à la fois très simple, voire évidente, et en même temps incroyablement lumineuse et porteuse d’avenir.