5è et dernier volet de notre série des « best-of » de l’été 2016 : 10 chiffres clés décryptés pour approfondir la réflexion sur l’égalité et comprendre les enjeux de la mixité du leadership.
8 femmes sur 10 ont déjà été confrontées au sexisme au travail
Mettons d’emblée les pieds dans le plat pour dissiper toute ambiguïté et repousser toute tentation de déni : le combat pour l’égalité professionnelle n’est pas gagné !
8 femmes sur 10, révélait un rapport du CSEP de 2013, rencontrent régulièrement le sexisme au travail. De la remarque déplacée à la décision discriminatoire en passant par l’agression verbale ou physique ou bien les plus sournoises manœuvres de déstabilisation, le sexisme n’est pas un jeu à somme nulle pour les femmes, qui sont 92% à dire qu’il entame leur confiance en elle et en l’organisation qui les emploie.
Une vraie plaie, pour l’experte Brigitte Grésy, qui compare le sexisme ambiant à une pollution de l’espace professionnel dommageable à la carrière des personnes, mais aussi à leur expérience quotidienne du travail et à leur santé.
Lire notre interview de Brigitte Grésy
20% d’écart salarial, c’est 500 000 $ de manque à gagner sur toute une carrière
Le plus observé des indicateurs d’inégalités professionnelles est sans doute celui qui mesure l’écart de rémunération. Or, la construction de cet indicateur est un véritable casse-tête car derrière le principe « à travail égal, salaire égal », se cache toute une variété de situations qui viennent expliquer, ce qui n’est pas justifier, une partie (mais seulement une partie) du différentiel de salaire : la filière de formation et le secteur d’activité, la fonction, le temps de travail, le parcours individuel (et ses éventuelles interruptions d’activité, choisies, « arbitrées » ou subies), les choix personnels d’organisation de la vie familiale…
Reste que même en « apurant » les moyennes globales de toute une série de facteurs « expliqués », partout ou presque dans le monde, les femmes subissent une discrimination salariale liée à leur seul genre. Si cela a des conséquences directes sur leur vie quotidienne, c’est aussi un frein majeur à leur enrichissement sur la durée : l’Equal Pay Back Project évalue à ½ million de dollars le manque-à-gagner moyen à l’échelle d’une vie de femme.
89 % des managers citent les contraintes de la vie familiale comme 1ère cause de discrimination des femmes au travail
Nous venons d’évoquer la question de l’organisation de la vie familiale comme motif expliquant les retards de salaire et de carrière des femmes. C’en est bien un, quand selon le mot de Marlène Schiappa, fondatrice de Maman Travaille et auteure du roman Pas plus de quatre heures de sommeil, « les femmes doivent concilier, quand les hommes peuvent (encore) cumuler » !
Mais les 89% de managers qui sont convaincu.es que c’est là le facteur premier et le plus lourd de tous de la discrimination des femmes au travail ne sont-ils pas en train de céder un peu trop vite à une intuition tellement évidente qu’elle pourrait être l’arbre qui cache la forêt d’une multitude de buissons sournois dressant des obstacles moins évidents à la progression professionnelle des femmes?
Les femmes effectuent 70% du temps de travail domestique
Un chiffre vient pourtant donner raison à celles et ceux qui nourrissent la conviction que c’est avant tout à la maison que se joue la question du travail et de l’évolution professionnelle des femmes : elles effectuent encore plus de 2/3 du temps de travail domestique dans la zone OCDE.
Oui, mais qu’entend-on exactement par « travail domestique » ? Nos recherches nous ont amené.es à découvrir que la notion bénéficie d’une définition a minima floue, voire carrément fourre-tout qui rassemble aussi bien des corvées unanimement reconnues comme telles (et encore, il se dit que d’aucun.es ont goût à vider les poubelles et à passer la serpillère) et des occupations certes contraignantes mais productrices de liens (comme les soins aux proches) et pourquoi pas de plaisir ?
Et si pour mieux appréhender les inégalités professionnelles qui trouvent leur source dans l’organisation de la vie familiale, il fallait compter différemment, en prenant notamment en compte le caractère plus ou moins planifiable/impérieux, contraignant/flexible, isolant/socialisant des différentes tâches et en re-valorisant, pour les hommes comme pour les femmes, celles qui contribuent à créer de la valeur collective.
1/3 des cadres en mobilité interne sont des femmes
Qui change de job au sein de sa boîte ? Dans 2/3 des cas chez les cadres, un homme. Cette sur-représentation masculine dans la population en mobilité interne est en partie due à un effet démographique quasi-mécanique : plus nombreux à être cadres, les hommes sont plus nombreux parmi les cadres qui bougent.
Mais nous sommes allé.es y voir de plus près pour découvrir deux éléments d’approfondissement importants : primo, la proportion de femmes en mobilité parmi les femmes cadres est inférieure à celle des hommes en situation identique, autrement dit, il existe bien des freins genrés à la mobilité ; secundo, tout changement de fonction ne s’accompagne pas d’une promotion et là encore, ce sont plutôt aux femmes que reviennent les « mobilités stagnantes » qu’aux hommes qui bénéficient plus fréquemment de « mobilités ascendantes ».
20% des cadres expatrié.es sont des femmes
Parmi les leviers de progression professionnelle, l’expatriation reste un véritable tremplin… Mais à l’échelle mondiale, seulement 1 expatrié.e sur 5 est une femme.
Le chiffre est cependant en progression rapide, du fait de politiques innovantes des entreprises qui réservent de moins en moins l’expérience internationale aux cadres expérimenté.es (qui sont souvent dans une phase de leur vie personnelle à forts enjeux familiaux) et de plus en plus aux jeunes potentiels et qui prennent de mieux en mieux en compte les situations de couples à double carrière (voir notamment le programme IDCN dont notre partenaire L’Oréal compte parmi les co-fondateurs).
20% de femmes parmi les expert.es invité.es dans les médias
Encore trop rares parmi les expatrié.es, les femmes le sont aussi à la table des expert.es invité.es à éclairer l’actualité dans les médias.
Une inégalité dénoncér de longue date par l’ONG Global Media Monitoring Project, parvenue à sensibiliser les acteurs de l’audiovisuel public et les autorités de régulation des médias. Le sujet est donc désormais à l’agenda et des efforts s’observent.
Toutefois, notre travail d’analyse des données sur la visibilité des expertes nous a conduit a engager une réflexion plus vaste sur les critères de la légitimité qui permettent à des médias de repérer des têtes nouvelles (et féminines) et autorisent les femmes à se sentir à leur place dans la posture d’expertise.
La France compte 14% de femmes dirigeantes
La grande étude KPMG « Portraits de femmes dirigeantes », publiée en 2015, révélait que 14% des chef.fes d’entreprises françaises sont des femmes (9% à l’échelle mondiale, selon Grant Thornton).
Un chiffre encore faible, qu’il faut aussi remettre en perspective historique pour cerner la lenteur avec laquelle il progresse (moins de 1,5 points d’indice gagné au cours des 10 dernières années, pour la France).
Il est également utile de regarder de près la dimension des entreprises dirigées par des femmes : où il apparait clairement que le gros du bataillon des patronnes exerce dans le tissu des PME et TPE ; la direction générale des plus grandes organisations restant à 92,5% aux mains d’hommes.
Lire notre interview de Nicolas Beaudoin, qui a co-piloté l’étude Portraits de Femmes Dirigeantes
80% des managers et dirigeant.es estiment que la mixité est un levier de transformation des organisations
Il y a encore indéniablement du pain sur la planche pour faire progresser la mixité. Néanmoins, quelque chose a changé : désormais, le sujet est à l’agenda (en témoigne pour commencer le volume inédit d’études de qualité qui paraissent à un rythme plus soutenu que jamais) et assoit sa légitimité dans le débat économique, social et sociétal tout en suscitant un certain consensus…
… De principe en tout cas : une étude GEF révélait un véritable enthousiasme des managers et dirigeant.es pour une mixité productrice de davantage de bien-être au travail, de confiance dans les relations professionnelles (fait corroboré par les consultations Financi’Elles) mais surtout d’esprit d’innovation et de force de transformation.
26% de croissance mondiale pourrait être générée par les progrès de l’égalité femmes/hommes
De nombreuses données sont parues ces dernières années qui établissent une corrélation entre mixité et performance, suscitant à la fois grand optimisme mais aussi vifs débats quand d’aucun.es s’inquiètent des progrès d’une égalité qu’on conditionnerait à ses seuls bénéfices économiques attendus en oubliant le principe de justice.
L’un des plus spectaculaires de ces chiffres fait cependant la synthèse entre les deux approches : c’est celui, publié par le McKinsey Global Institude, qui évalue à 26% le potentiel de croissance mondiale espéré de l’égalité femmes/hommes. Cet indicateur tient compte à la fois de la prise en considération du « travail gratuit » et invisibilisé dans le calcul du PIB qu’effectuent les femmes en diverses circonstances (depuis les tâches domestiques jusqu’à l’exploitation dans le secteur « informel » en passant par la contribution à l’activité entreprises familiales) et des effets sur la performance d’une économie dynamisée par une meilleure inclusion des femmes à tout niveau de qualifications et de responsabilités.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE.
Plus de chiffres analysés dans notre Rapport EVE & Donzel qui rassemble plus de 50 indicateurs récents et sourcés sur l’égalité professionnelle.