Egalité et leadership équilibré : 7 actus à retenir d’avril 2016

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La revue de web du blog EVE

 

Comme chaque fin de mois, le blog EVE sélectionne et commente pour vous les actus égalité pro, mixité et leadership partagé, qui ont fait le buzz.

 

 

La « Matilda » du mois : Harriet Tubman figurera sur le billet de 20 dollars

C’est LA grande nouvelle, annoncée le 20 avril 2016, et qui au bout d’une semaine avait déjà généré plus de 50 000 articles sur le web et plus de 5 millions de partages sur les réseaux sociaux : Harriet Tubman sera la prochaine effigie du billet de 20 $.

C’est une grande victoire pour le collectif WomenOn20s qui n’était pourtant parvenu, lors de son adresse au Président, il y a tout juste un an, à obtenir de Barack Obama un engagement plus fort qu’un « Pourquoi pas? Voyons avec le Sénat » à la question « Quand verra-t-on enfin une femme sur le billet le plus en circulation sur le territoire américain? ».

 

Mais l’idée a fait son chemin et la conviction s’est bientôt installée qu’une figure féminine majeure de l’histoire américaine remplacerait bientôt celle du président Andrew Jackson, très contesté depuis quelques années pour son implication dans le génocide des Indiens d’Amérique. La figure de Rosa Parks a longtemps été pressentie; mais le Trésor américain a finalement opté pour un choix encore plus fort, avec une Harriet Tubman plus ou moins « oubliée » par le récit de l’histoire

… Alors même qu’elle fut une militante active de l’abolition de l’esclavage, rebelle à ses maîtres dès l’enfance, bravant tous les périls pour s’évader dans sa vingtaine et rejoignant le mouvement abolitionniste au moment de la Guerre de Sécession. A compter de ce moment-là, elle organisa la fuite (les maîtres dirent « le vol ») de nombeux.ses esclaves, en agissant à la façon d’une espionne, s’appuyant sur des réseaux secrets, préparant et exécutant elle-même des missions à hauts risques, usant de déguisements et d’astuces de diversion… Après la Guerre, elle devint une militante des droits des afro-américains et des femmes, argumentant sans relâche sur le devoir de reconnaissance que l’Amérique leur devait pour leur participation aux progrès de la nation.

Le monde entier connait désormais le nom de cette femme exemplaire, dont le destin historiographique prouve que « l’effet Matilda » d’invisibilisation des femmes dans la construction de la mémoire collective est bel et  bien réversible.

Les bad et good news du mois : moins de nouvelles dirigeantes dans le monde, de plus en plus de nouvelles administratrices en Europe

Les chiffres de l’étude PwC sur les nouveaux CEO du monde sont tombés le 19 avril. Il firent l’effet d’une douche froide : s’établissant à 2,8%, soit près de deux fois moins que l’an passé, la proportion de femmes entrant dans le cercle des plus haut.es dirigeant.es n’a jamais été aussi faible depuis 2011. Pourtant, il y a bien eu du mouvement : 17% des grandes entreprises mondiales ont changé de big boss au cours de l’année 2015, mais ce sont essentiellement des hommes qui ont remplacé des hommes.
Le moral est remonté quelques jours plus tard, quand est paru le rapport Ewob sur les progrès de la mixité dans les conseils d’administration européens : un grand bond a été fait entre 2011, où les femmes comptaient pour 13,9% de la composition des CA et 2015 où elles y représentent 25%.

Ce n’est pas encore la parité mais la dynamique est enclenchée et semble d’autant plus robuste que le nombre moyen de membres dans un CA n’a pas bougé, ce qui indique une féminisation par renouvellement (et non par ouverture de « sièges quotas » réservés aux femmes).

La figure de l’administratrice qui a sa pleine place au Conseil pourrait bien être en train de se banaliser. Mais reste entière la question de la place des femmes dans les ComEx, faible et ne progressant que très lentement (de 4% à 6,7% entre 2011 et 2015) et leur toujours insuffisante participation au senior management.

Le palmarès du mois : combien de femmes dans le top 100 de Time?

Pour son palmarès des 100 personnalités les plus influentes de la planète, Time a choisi une femme, et une française, pour sa couverture : Christine Lagarde, « gardienne de l’économie mondiale » selon les mots de Janet Yellen qui fait son éloge, selon la tradition du magazine qui veut qu’un.e autre grand.e de ce monde fasse le portrait de chaque « influential ».

 

Au total, c’est 40 femmes qui entrent dans le classement annuel du Time (un chiffre à peu près constant depuis plusieurs années). Parmi elles, pas mal de têtes connues : Angela Merkel, Hillary Clinton, Aung San Suu Kyi, les artistes Adele et Nicki Minaj… Mais quelques choix plus audacieux, aussi : l’icône transgenre Caitlyn Jenner, la diplomate et défenseure active de l’environnement Christiana Figueres, la figure de l’économie durable et solidaire Sunita Narain, la Présidente de LucasFilm Kathleen Kennedy (qui pose bien sûr avec la nouvelle idole des fans de Star Wars, le robot BB-8), l’activiste des droits des femmes Nadia Murad qui a bouleversé le monde entier en témoignant en session du Conseil de Sécurité des Nations Unies du viol et des tortures qu’elle a subis après avoir été enlevée par des combattants de l’Organisation état islamique (incontournable : le texte redoutablement juste et poignant qu’Eve Ensler, auteure des Monologues du Vagin, lui consacre).

La campagne du mois : #LesCompetencesDabord ou le grand plan anti-discrimination de la France

Grand raout au Ministère du travail français le mardi 19 avril pour le lancement du plan gouvernemental de lutte contre les discriminations à l’embauche. Après présentation des résultats d’une étude de l’Institut Montaigne révélant que selon le prénom d’un.e candidat.e (et ce qu’il indique de son sexe, de ses origines ; voire ce qu’il permet de supposer de son âge et de son appartenance religieuse), il faut à certain.es envoyer jusqu’à 4 fois plus de CV pour décrocher un entretien, suivie de discussions sur les moyens à mettre en oeuvre pour garantir une égalité réelle sur le marché du travail, les quatre ministres en présence (Myriam El Khomri, Erika Bareights, Emmanuel Macron et Patrick Kanner) ont donné le coup d’envoi de la campagne nationale #LesCompetencesDabord.

Un slogan à discuter, quand les expert.es des questions de mixité sont aujourd’hui de plus en plus nombreux.ses à estimer que la notion de compétence en elle-même a besoin d’être repensée pour permettre à une plus grande palette de talents de s’exprimer : comment, en effet, s’en tenir à la compétence pour seule critère de reconnaissance si l’on ne déconstruit pas les visions genrées des savoir-faire, les perceptions essentialistes des savoir-être et les figurations alpha-male du leadership?

L’effet « Lewis Law » du mois : l’analyse édifiante des commentaires en ligne du Guardian

Le Guardian a fait l’examen de conscience de son lectorat, en épluchant les 70 millions de commentaires déposés sur des articles de son site. Le résultat n’est pas surprenant pour qui a l’habitude de fréquenter les forums de lecteurs, mais il n’en reste pas moins déprimant : insultes racistes et sexistes fusent volontiers et certains sujets dits « sensibles » (conflit israélo-palestinien, sujets religieux mais aussi violences faites aux femmes et féminisme) enflamment carrément le fil de réactions.

 

Ce sont parfois les journalistes elles-mêmes et eux-mêmes qui sont visé.es, le flux de commentaires tournant parfois carrément au harcèlement : négation de la compétence, saillies humiliantes sur le style, remarques déplacées sur le physique ou bien simples injures décontextualisées et parfaitement gratuites.

Lesquel.les de ces journalistes, d’après vous, prennent le plus cher dans le lot des crasseux commentaires ? 8 femmes (dont en particulier une journaliste sportive incessamment contestée sur sa connaissance des dossiers) et 2 hommes de couleur. Il y a encore du boulot pour faire entendre à toutes et tous que ce n’est pas le sexe ni la couleur de peau qui fait la légitimité (et à celles et ceux qui ne voudraient absolument pas le comprendre, qu’il est de toute façon odieusement mal élevé d’insulter et de harceler autrui, même par écrans interposés).

 

En attendant, le Guardian est bien décidé à prendre le taureau par les cornes : il veut devenir une « best place for conversation«  et entend sensibiliser et engager toute sa communauté de lecteurs et lectrices dans une dynamique d’auto-gestion (et non d’auto-censure!), rendant chacun.e responsable de ses propos, certes mais surtout toutes et tous co-responsables de la préservation d »un environnement médiatique et intellectuel on line dans lequel chacun.e doit pouvoir prendre de grandes bouffées d’inspirations!

 

 

La « Lewis Law »

Conceptualisée par la journaliste anglaise du New Statesman Helen Lewis, experte notamment des questions d’égalité et de droits des femmes, la Lewis Law s’anonce ainsi : « Tout commentaire sur un article traitant de féminisme justifie l’existence du féminisme« .

C’est à force de recevoir des litanies d’injures sexistes directement tournées contre sa personne et/ou des retours totalement hors sujet sur ses articles (les lecteurs saisissant l’occasion d’un papier sur l’égalité femmes/hommes pour dire tout le mal qu’ils pensaient du féminisme plutôt que de débattre de façon constructive sur le contenu du texte) qu’Helen Lewis a édicté cette « loi » qui dit combien il reste de chemin à parcourir dans ce qui est encore un « combat »: le respect des femmes, de leurs droits, de leur parole, de leurs opinions…

 

 

 

Le docu du mois : free to run, une histoire du droit des femmes au sport

Les femmes sont aujourd’hui plus de 2 millions en France à pratiquer régulièrement le running et cette tendance massive s’observe aussi dans d’autres grands pays, confirmée par le succès des grandes courses à pied féminines (La Parisienne, Odyssea, La Sénégazelle…).

Mais sait-on que les femmes ont eu à se battre pour avoir seulement le droit de courir? Kathrine Switzer, première femme à s’inscrire au marathon de Boston de 1967, fut sortie sans ménagements par un organisateur furieux qu’elle ose se lancer dans la course sans que le règlement le lui ait autorisé, en tant que femme. Savoir aussi, que jusqu’aux années 1980, les femmes étaient interdites de compétitions sur des distances supérieures à 1500 mètres.

 

Et en quel honneur, s’il vous plait? Tous les arguments étaient bons : « Une femme sur un stade, ce n’est pas gracieux », « mais leur utérus ne va pas résister aux chocs », « la masse graisseuse des femmes est-elle bien compatible avec la performance sportive? », « elles sont trop émotives, pas assez de mental »…

On croirait presque les termes d’un débat sur le droit de vote des femmes dans les années 1850!

C’est en l’occurrence à ce droit politique fondamental acquis de haute lutte par les femmes que le réalisateur du documentaire « Free to run » compare l’obtention de leur bon droit à courir, pour le plaisir ou pour remporter la coupe (les deux étant compatibles, bien sûr!). Il a fallu 7 ans de travail à Pierre Morath pour faire aboutir ce film indispensable qui donne à voir une autre histoire du sport, une histoire de femmes combattives et combattantes, prêtes à surmonter tous les obstacles pour défendre leur corps en action. D’authentiques championnes, en somme!

 

Le Manifesto du Mois : 6 engagements pour plus de femmes dans les sciences

Comme chaque année depuis 18 ans, La Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’UNESCO, a remis ses Trophées pour les Femmes et la Science à 5 chercheuses de renommée internationale issues de tous les continents. Cette cérémonie, devenue un incontournable temps fort de la promotion de la mixité à l’échelle du globe, fut l’occasion de lancer un Manifeste pour Les Femmes et la Science qui a déjà recueilli plus 32500 soutiens.

 

Ce manifeste porte sur 6 engagements que prennent individus, entreprises, institutions, établissements d’enseignement et de recherche, associations et ONG pour accompagner le mouvement en faveur de la mixité dans les filières scientifiques :

1/ Participer à susciter des vocations

2/ Oeuvrer à faire tomber les freins qui ralentissent ou découragent la carrière des femmes scientifiques

3/ Favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilités dans le monde scientifique

4/ Célébrer auprès du grand public les apports des femmes aux progrès de la science

5/ Garantir la parité dans les instances et manifestations scientifiques

6/ Développer le mentoring de jeunes femmes scientifiques pour accompagner le développement de leur progression professionnelle.

 

 

Actualités sélectionnées et commentées par Marie Donzel, pour le blog EVE.