Rencontre avec Emilie Tortora, fondatrice et dirigeante de Coxibiz
Pour sa quatrième édition, le Grand Prix Etudiantes Crédit Agricole Louise Tallerie innove. En prévoyant un Prix Spécial du Public, en offrant aux gagnantes un grand voyage à la découverte du Groupe, de Milan à New York, en passant par Lyon… Mais aussi en réinventant son process de sélection des Finalistes.
C’est en partenariat avec Coxibiz, start-up hébergée au Village de l’Innovation, que les équipes du « GPLT » ont conçu et développé un système de pré-sélection qui propose une véritable expérience, renouvelant l’exercice de la candidature.
Emilie Tortora, fondatrice de Coxibiz, nous raconte…
Eve le blog : Bonjour Emilie, pouvez-vous nous raconter brièvement le parcours qui vous a menée à la création de Coxibiz ?
Emilie Tortora : J’ai un parcours académique assez classique de bonne élève… Qui ne savait pas ce qu’elle voulait faire plus tard!
J’ai donc passé un bac S et après ça, je me suis retrouvée un peu démunie face à la question de l’orientation. Continuer dans les sciences dures, ça ne me disait rien ; j’ai pensé à la finance, mais après une licence dans ce domaine, j’ai compris que ce n’était pas non plus mon truc. Alors, pour trouver une voie plus généraliste, j’ai cherché une école de commerce. Mais je n’avais pas les moyens de payer les frais de scolarité exigés par les plus prestigieuses. J’ai donc fait de l’alternance à l’IDRAC. Titulaire d’un master en marketing, j’ai constaté, lorsque j’ai voulu candidater, que seules les « grandes écoles » figuraient sur la liste des établissements sources de certaines entreprises… Quand même, faire 4 ans d’études, et ne pas pouvoir candidater à cause d’une école! J’ai donc financé ma dernière année à Skema Business School, jusqu’à l’obtention d’un master spécialisé en stratégie et responsabilité sociale des entreprises.
Mes propres problématiques d’orientation m’ont très tôt placée face à un problème bien français qu’est le rapport des recruteurs aux diplômes les plus en vue, et notamment ceux des grandes écoles. Je comprenais bien pourquoi ils s’y fiaient, mais je trouvais forcément regrettable qu’ils passent à côté de talents, lesquels, pour des raisons financières, d’opportunités ou de culture, n’avaient pas accédé à ces écoles, même s’ils en avaient les capacités intellectuelles et pouvaient acquérir autrement des savoirs similaires. Cette réflexion m’a portée à m’intéresser aux questions de mixité sociale et de diversité.
Eve le blog : Après ce temps de la formation, quelles ont été vos premières expériences professionnelles ?
Emilie Tortora : Mon diplôme en poche, j’entre comme consultante puis directrice de mission chez BMJ Ratings où je suis notamment en charge d’auditer la politique sociale et diversité de grands groupes (dont Crédit Agricole S.A., pour l’anecdote) pendant 5 ans. Puis je deviens responsable diversité et RSE du groupe d’ingénierie Ginger – Grontmij France.
Ces premières expériences de terrain confortent mon impression que si on veut vraiment faire avancer la diversité, il faut commencer par se diversifier soi-même. J’entends par là, prendre conscience de ses propres biais pour éviter le clonage des profils, puis accepter de changer ses façons de procéder. A cette époque de ma vie, je veux sortir des discours et passer à l’action, alors je me lance dans le projet de Coxibiz, fin 2013.
Eve le blog : Racontez-nous… C’est quoi, Coxibiz ?
Emilie Tortora : Coxibiz vise à faire sauter les blocages au moment de la pré-sélection des candidat.es, en proposant du recrutement non pas par les CV mais par des mini-challenges qui vont révéler des compétences au lieu d’afficher des logos d’école et d’entreprises!
Pour le recruteur, le bénéfice est évident : il voit les candidat.es en action. Pour le ou la postulant.e, il y a aussi un avantage, qui est de pré-expérimenter l’esprit de l’entreprise et, s’il/elle ne s’y projette pas, de pouvoir passer son tour, sans perdre son temps à poursuivre un process de recrutement pour un job qui, au final, ne lui plaira pas.
Eve le blog : Comment construisez-vous les challenges?
Emilie Tortora : Nous co-construisons le challenge avec une méthodologie très précise. Dans un premier temps, nous pratiquons l’observation des salarié.es en poste dans l’entreprise, pour définir les 7-10 compétences clés attendues d’un job.
Les recruteurs ont parfois tendance, quand ils définissent une fiche de poste, à faire des listes très longues de compétences, parce que sans s’en rendre compte, ils demandent à un.e candidat.e d’avoir les qualités de toutes les personnes qui ont occupé un tel poste ou bien d’avoir les qualités exactes de la personne qui le quitte. Ce qui aboutit soit à chercher le mouton à cinq pattes (et on peut chercher longtemps) soit à pratiquer le clonage. Notre méthode des compétences clés oblige à prendre du recul et à prioriser pour se concentrer sur l’essentiel.
C’est également un outil fédérateur qui met autour de la table les RH, les opérationnel.les, et les salarié.es. Nous faisons de la co-création en petits groupes, comprenant idéalement des collaborateurs/trices, des RH et des managers: chacun.e propose ses idées pour identifier les fameuses compétences dans le cadre d’un challenge et nous imaginons ensemble des situations pour que ces qualités puissent se révéler.
Les challenges sont sur-mesure et permettent de retranscrire des éléments spécifiques à la culture d’entreprise, à l’environnement de travail, et bien sûr aux compétences clés.
Eve le blog : Les organisatrices et organisateurs du Grand Prix Etudiantes Louise Tallerie vous ont donc fait appel pour bâtir le process de pré-sélection de la 4è édition. Racontez-nous les coulisses de cette aventure…
Emilie Tortora : C’est par le Village de l’Innovation, où Coxibiz a été intégré dès son lancement, que les équipes de Crédit Agricole S.A. sont arrivées à nous, d’abord en nous invitant à présenter notre travail lors de la Convention RH du Groupe en 2014, puis pour le Prix Louise Tallerie.
Notre approche « matche » avec l’un des forts enjeux du GPLT qui est de rapprocher la population étudiante des grandes entreprises.
Ensuite, notre forte préoccupation de l’insertion professionnelle de toutes et tous rejoint l’objectif sous-tendu par ce Grand Prix qu’est la féminisation des viviers de talents.
Notre vision de la mixité est aussi, me semble-t-il, en résonnance avec le discours porté par cette manifestation : nous parlons d’ouverture d’esprit, d’accès à l’expérience, de mise en visibilité, de changement des règles du jeu… C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus enthousiasmants de ce mouvement pour l’égalité professionnelle et la diversité : on constate qu’il est fondamentalement porteur d’innovation.
Eve le blog : Alors, dans le détail, quel est le challenge que vous proposez aux potentielles Louisettes 2016 ?
Emilie Tortora : Nous avons gardé le principe de la pré-sélection en 2 étapes.
La première, qui s’est achevée il y a quelques jours, reposait sur une série de tests psychotechniques et ludiques mettant en situation l’histoire du mutualisme et les activités du Groupe Crédit Agricole. De cette façon, on a testé l’esprit logique, les qualités rédactionnelles, l’agilité en calcul mental, l’intelligence spatiale, la mémoire, la curiosité et l’ouverture d’esprit.
Les 300 jeunes femmes qui ont obtenu les meilleurs scores lors de cette étape sont maintenant sollicitées pour participer au second temps de la pré-sélection. Il s’agira ici de mini-défis digitaux, tout aussi ludiques que lors de la première phase.
Postuler ne doit plus être une épreuve lassante pour un.e candidat.e à un job, à un concours, à un challenge, il faut que ce soit une expérience à part entière, stimulante, agissante et apprenante.
Propos recueillis par Marie Donzel, pour le blog EVE. Avec la complicité de Clotilde Jardel (CASA) et le soutien de Sophie Serratrice.