Rencontre avec Sonia Denoyer, déléguée de l’association Capital Filles pour L’Oréal
Sonia Denoyer est Directrice des Diversités Opérations Monde du Groupe L’Oréal. Elle est également la déléguée de l’association Capital Filles dans cette entreprise.
Personnellement très investie en faveur de l’émergence de talents féminins de tous horizons, elle entraîne de nombreuses femmes du Groupe dans ce dispositif innovant de marrainage, qui profite autant aux jeunes filles qui en bénéficient qu’aux professionnelles expérimentées qui les accompagnent.
Rencontre.
Eve le blog : Bonjour Sonia. Pouvez-vous rappeler ce qu’est Capital Filles?
Sonia Denoyer : Capital Filles est une association créée en 2011, qui accompagne les jeunes filles scolarisées dans les lycées relevant des politiques de la ville. Elle a pour objectif de renforcer la confiance de ces jeunes filles en elles-mêmes et en leur avenir professionnel, de leur faire découvrir les métiers, particulièrement les métiers scientifiques et techniques, et d’encourager l’apprentissage.
Le principe est celui du marrainage : des femmes du monde de l’entreprise s’engagent personnellement aux côtés des lycéennes pour les accompagner dans leur choix d’orientation.
Nous sommes plusieurs entreprises à être partenaires de Capital Filles : Orange bien sûr, qui a été à l’origine de la création de l’association, L’Oréal et huit autres grands groupes dans des métiers et domaines différents. Ce dispositif interentreprises permet de donner à l’association, et donc aux jeunes filles qu’elle accompagne, une variété de pratiques sur cette question des vocations féminines et surtout des exemples différents de parcours de femmes en entreprise.
Eve le blog : Pour L’Oréal, précisément, quel est l’angle d’attaque sur cette question des vocations féminines ?
Sonia Denoyer : L’Oréal a été le premier partenaire à suivre Orange dans cette aventure. Chez L’Oréal, le sujet « femmes et science » n’est pas neuf : la Fondation L’Oréal porte depuis très longtemps le Programme Women In Science pour la promotion au niveau international des femmes de sciences. Elle vient tout récemment de lancer le Programme L’Oréal Pour les Filles et la Science.
Nous avons besoin de scientifiques, dans nos métiers industriels et bien évidemment dans notre recherche ; à ce titre, nous ne pouvons pas envisager de nous priver du talent pour les sciences qu’ont les filles autant que les garçons.
Comparez les résultats scolaires au lycée : les filles sont aussi bonnes dans les matières scientifiques que les garçons, voire meilleures. Pourtant, elles seront ensuite 80% à s’orienter vers les métiers de services plutôt que vers la recherche ou l’industrie. Quand les filles « disparaissent » de l’environnement des sciences et des métiers de la production, ce n’est pas faute de compétences, c’est peut être une question d’appétence mais derrière cela, il y a surtout une méconnaissance des métiers possibles et beaucoup d’idées préconçues sur ces domaines professionnels qui font qu’elles s’y projettent difficilement pour leur avenir.
Pour casser les stéréotypes, pour leur montrer tous les métiers et toutes les carrières possibles, il faut que les jeunes filles aient l’occasion de connaître cet univers et d’y trouver des modèles auxquels s’identifier. C’est de cela que procède notre implication dans Capital Filles : nous voulons faire découvrir nos métiers à des jeunes filles et nous voulons leur présenter des visages féminins, humains et épanouis pour qu’elles aient envie de rejoindre ces métiers.
Eve le blog : Le sujet des vocations métiers est le plus souvent adressé par les services RH des entreprises. Mais vous, vous êtes aux « Opérations »…
Sonia Denoyer : En effet. Pourquoi le groupe a souhaité que les Opérations portent ce partenariat avec Capital Filles? C’est tout simplement parce que nos métiers sont des métiers technologiques! Et surtout, parce que par le biais de nos usines et nos centrales, nous sommes l’entité qui a le rayonnement le plus large sur le territoire français. Ainsi nous pouvons être partenaires de Capital Filles dans toutes les académies où on est implanté : ceci signifie que les marraines de nos différents sites industriels sont proches des lycées car ce sont les marraines qui se déplacent sur les lycées pour témoigner et ainsi elles sont proches de leur futures filleules pour les rencontrer ou organiser des visites sur leur lieu de travail.
Ensuite au sein des Opérations, c’est moi qui coordonne ce partenariat parce que je suis en charge des Diversités rattachée à la Direction des Ressources Humaines des Opérations et je suis moi-même Ingénieure.
Eve le blog : Pourquoi favoriser tout particulièrement l’apprentissage?
Sonia Denoyer : l’apprentissage apporte plusieurs avantages : c’est à la fois un moyen de découvrir l’environnement du travail, une formation à part entière et une première expérience professionnelle. Mais rappelons-le, l’apprentissage a aussi pour vertu de soulager en partie les familles du coût de la formation. Ajoutons qu’il y a de fortes probabilités pour que les chances de recrutement des jeunes qui ont fait un apprentissage soient supérieures à celles des jeunes qui ont une formation académique « classique ».
De tous ces avantages de l’apprentissage, les filles profitent statistiquement moins que les garçons (ndlr : les filles représentent seulement 25% des apprenti-es*). C’est donc une véritable action en faveur de l’égalité que d’encourager l’apprentissage au féminin.
Eve le blog : Concrètement, comment s’incarne le partenariat de L’Oréal avec Capital Filles?
Sonia Denoyer : Nous avons aujourd’hui 140 marraines et nous intervenons dans près de 20 lycées. En octobre-novembre, sont organisés par Capital Filles les Ateliers de Terminale : chaque déléguée, généralement accompagnée de trois marraines et d’une apprentie, vont rencontrer les jeunes filles de Terminale dans leur lycée. La déléguée va, grâce à un support fourni par l’association, expliquer les métiers de l’entreprise, les formations possibles et ce qu’est l’apprentissage et enfin quel est le rôle d’une marraine. Les marraines présentes vont témoigner de leur cursus professionnel, elles vont également répondre à toutes les questions des jeunes aussi bien sur leurs métiers que sur l’organisation vie familiale/vie professionnelle. L’apprentie qui nous accompagne va expliquer en quoi consiste une formation en apprentissage et quel est son intérêt.
A l’issue de la réunion, les lycéennes qui le souhaitent remplissent un formulaire pour demander à être marrainées. C’est Capital Filles qui affecte les couples marraines/filleules et enfin la première rencontre est organisée par le lycée en son sein autour d’un goûter ou d’un café à l’heure du déjeuner. Après cette prise de contact, le marrainage commence et va durer jusqu’au bac et parfois au-delà, quand des liens forts se tissent et que la marraine veut rester en relation avec sa filleule.
Plus tard dans l’année, nous intervenons auprès des classes de Seconde et de Première : dans ces ateliers, on prend le temps de faire de la sensibilisation aux stéréotypes de genre et de déconstruire les préjugés sur les métiers. Ainsi, on prépare le terrain pour l’année suivante.
Eve le blog : A quoi s’engage une marraine?
Sonia Denoyer : Les marraines s’engagent pour la durée de l’année scolaire à une relation privilégiée avec leur filleule. Les modalités de cette relation sont très ouvertes : chaque duo de marraine/filleule s’organise à sa façon, en fonction des attentes de la filleule, de l’agenda de la marraine et aussi des tempéraments de chacune.
C’est une relation personnalisée qui repose sur le dialogue et l’expression des besoins et des envies. Certaines jeunes filles vont demander à visiter une usine, par exemple, à rencontrer d’autres personnes de l’entreprise, à se faire expliquer le fonctionnement des services… Parfois, il s’agit d’aider à rédiger un CV et une lettre de motivation, à préparer à un entretien. La marraine va donner des conseils sur des points importants dans le monde professionnel : prendre un rendez-vous, s’y présenter à l’heure, prévenir si on a un empêchement… Ce sont autant de petites choses qui semblent évidentes mais pas toujours pour des adolescentes.
Eve le blog : Pour les marraines, faire face à ces réalités, n’est-ce pas aussi une occasion extraordinaire de donner de nouvelles perspectives à leur management ?
Sonia Denoyer : Indéniablement, les marraines s’enrichissent énormément au contact de leurs filleules. Comme je l’ai dit, les marraines s’inscrivent de façon volontaire au programme, c’est donc avant tout un acte de générosité. Dans ce cas-là, accompagner une jeune, la voir réussir et prendre confiance en elle, et enfin pouvoir se dire « je l’ai aidée à y arriver », c’est une grande satisfaction personnelle.
Ensuite, on apprend à s’adapter : une jeune de 17 ou 18 ans n’a pas les mêmes codes que ceux qu’on a dans le monde du travail, alors on apprend à formuler, on apprend à former. On s’ouvre aussi à des situations que nous ne connaissons pas et on apprend à les gérer. C’est bien le sens du management des diversités : accepter que l’autre vienne avec ses façons de penser et de faire, sa compréhension des choses, ses références pour progresser ensemble, par la rencontre…
D’ailleurs toutes les marraines ont une journée de formation faite par un organisme extérieure et par Capital Filles afin d’apprendre à accompagner ces jeunes filles et répondre à leur besoin dans leur rôle de marraine professionnelle.
Je suis très fière de voir tant de L’Oréaliennes engagées dans Capital Filles et je sais que si elles sont si nombreuses et si investies, c’est parce que, réellement, elles y trouvent un formidable espace d’ouverture, d’enrichissement, de respiration… Capital Filles fait du bien, c’est un booster d’énergie positive!
Propos recueillis par Marie Donzel, pour le blog EVE.
Remerciements à Stéphanie Oueda et Noëlle Herpeux (L’Oréal)
* Ministère de l’Education, 2012
Lire aussi :
– Notre article consacré au lancement de Capital Filles par Orange
– Notre reportage sur la soirée de lancement du Programme « Pour les Filles et la Science »
– Notre reportage sur les 16è Prix Fondation L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science
– Notre article consacré aux Editathon Wikipedia de la Fondation L’Oréal pour une encyclopédie collaborative qui fasse une plus juste place aux rôles-modèles féminins
– Notre brève sur l’attribution des Bourses françaises L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science
– Notre focus sur le « Girls’Day » de SNCF
– Notre article sur le dispositif de marrainage « Elles bougent » dont SNCF est partenaire