Egalité pro, visibilité des femmes de talent(s), leadership partagé, mixité des métiers, articulation des temps de vie équilibrée, lutte contre les stéréotypes… Quels ont été les temps forts sur ces fronts au cours des deux derniers mois écoulés?
Le blog EVE a gardé un oeil sur la toile tout l’été.
La première de l’été (et de l’histoire) : enfin une femme reçoît la Médaille Fields!
On l’appelle le « Nobel des Maths » (en donnant d’ailleurs trop souvent crédit à l’idée reçue – mais fausse – selon laquelle Alfred Nobel aurait privé la discipline d’un prix portant son nom pour une scabreuse affaire de marivaudage) : la Médaille Fields est LA distinction internationale pour les matheux de génie.
Les matheux et matheuses, peut-on enfin écrire depuis le 12 août 2014, jour où l’Iranienne Maryam Mirzakhani, que son milieu tient pour l’auteure du « théorème de la décennie« , se l’est vue épinglée au revers de la veste.
La première médaillée Fields est aussi brillante que… Modeste, en témoigne la confession de sa surprise d’être ainsi honorée : elle a d’abord cru à un hoax ! A moins qu’elle ne soit, comme Peggy Sastre le suggère sur le Plus de l’Obs, sujette, comme beaucoup d’autres, au complexe d’imposture? Allez, encore plusieurs femmes médaillées dans les années à venir et Mirzakhani se sentira moins une « bête curieuse » parmi les grand-es scientifiques légitimement admiré-es.
La pétition de l’été : pour plus de femmes dans les manuels de philo de Terminale!
L’appel de la jeune bachelière Ariane Baillon, qui dans une lettre ouverte au Ministre de l’Education Nationale, regrettait publiquement que les femmes philosophes soient les parents (très) pauvres des programmes de philo en Terminale (seule Hananh Ardent y figure), a recueilli plus de 14 000 signatures en quelques jours.
Son propos très convaincant fait sensiblement écho à notre réflexion toujours en cours sur la visibilité des personnalités féminines à qui l’on doit des idées et des innovations indispensables. Comme les femmes scientifiques « oubliées » dans le récit officiel des innovations, les femmes philosophes sont trop souvent victimes de « l’effet Matilda« …
Pourtant, de Suzanne Bachelard à Simone de Beauvoir (parmi celles que cite Ariane Baillon) en passant par Aspasie, Elisabeth de Bohème, Edith Stein ou Hélène Metzner (parmi celles que nous ajoutons à une liste restant largement inexhaustive), il y a foule de femmes éclairantes à (faire) lire et étudier pour mieux comprendre le monde comme il va et s’inspirer pour le changer…
La pub anti-sexiste de l’été : « tout le monde a le droit de jouer »
Après le succès épatant du spot viral « like a girl » en juin dernier, c’est autour du film promotionnel d’un grand distributeur d’articles sportifs de faire le buzz sur la toile anti-sexiste. Titrée « tout le monde a le droit de jouer« , la pub met en scène un classique du cours d’EPS ou de la partie de ballon improvisé : quand le capitaine de chaque équipe choisit les têtes qui lui reviennent pour jouer dans la sienne et laisse sur la touche qui n’a pas le profil du buteur de génie. La suite de l’histoire, c’est une petite fille qui ne se laisse pas intimider…
Voilà une salutaire remise en place des idées, quand on sait, comme la rédaction des Nouvelles News le rappelle, que l’accès des filles à la compétition sportive est un authentique facteur favorisant leur future leadership.
Le classement de l’été : quelles sont les facs qui produisent le plus de « powerful women« ?
Qu’ont en commun Michelle Obama, Sheryl Sandberg et la Ministre des Finances nigériane Ngozi Okonjo-Iweala (entre autres) ? Un même diplôme : celui de l’Université d’Harvard.
Le site Times Higher Education a passé à la loupe la formation académique des 100 « most powerful Women » de Forbes pour établir son classement des Universités les plus productrices de leaders féminines. Outre Harvard la championne (qui a, notons-le une femme à sa tête depuis 2007 et un programme officiel d’encouragement au leadership féminin depuis la rentrée 2013), les facs de l’Ivy League arrivent sans surprise en tête du palmarès.
Un américano-centrisme un peu suspect, selon la rédaction des Nouvelles News, qui interroge la méthode elle-même : quand on prend pour base un classement (celui de Forbes) qui compte plus de 50% d’américaines, il n’est pas si étonnant que leur CV affiche un background américain. Reste que l’idée d’évaluer les établissements d’enseignement supérieur sur le critère de leur capacité à former une élite mixte est parfaitement pertinente : c’est ça, aussi, la performance!
Le « total respect » de l’été : un universitaire de renommée internationale refuse de participer aux rencontres scientifiques qui « oublient » d’inviter des femmes
Micro-biologiste de pointe multi-awardé, Jonathan Eisen est aussi un militant de l’égal accès des femmes et des hommes aux carrières scientifiques. Chez lui, ça n’est pas que du discours, ça passe aussi par les actes. Il refuse désormais d’honorer de sa présence les grandes rencontres scientifiques dont les programmateurs ne font pas l’effort d’inviter autant de femmes que d’hommes.
Il s’en est expliqué dans un billet sur son blog perso en juillet, qui reproduit ses échanges épistolaires avec un établissement universitaire dont il tait élégamment le nom : « Thank you so much for the invitation and the respect it shows to me that I would be considered for this. However, when I looked into past lectures in this series I saw something that was disappointing. From (your site) where past lectures are listed I see that the ratio of male to female speakers is 14:3. As someone who is working actively on multiple issues relating to gender bias in science, I find this very disappointing. (…) I simply cannot personally contribute to a series which has such an imbalance and I would suggest that you consider whether anything in your process is biased in some way.« .
comprenez, mesdames et messieurs des comités scientifiques qui ne « trouvez » pas assez de chercheuses à convier dans les grands raouts légitimants, que c’est peut-être parce que vous ne vous y prenez pas comme il faut pour « chercher« . Et en sciences, savoir chercher, c’est pourtant une vertu méthodologique de base!
Le lancement de l’été : c’est parti pour le programme « Mixité des métiers«
Au moment de la présentation de son programme d’actions pour 2014, le Ministère des Droits des Femmes rappelait un chiffre préoccupant : l’emploi des femmes se concentre sur une douzaine de familles professionnelles (principalement celles du « care ») sur un total de 87. Autrement dit, un gros effort est à fournir du côté de la mixité des filières.
Ca se joue à l’école, quand les vocations scientifiques et techniques doivent être encouragées chez les filles, mais ça peut aussi se corriger dans le monde du travail. Ainsi, le 16 juillet, le programme « Mixité des Métiers » était inauguré par la signature d’un accord entre le Ministère de Najat Vallaud-Belkacem, le Secrétariat d’Etat de Frédéric Cuvelier et les représentent-es de la branche des Transports. Tout un symbole que ce lancement du programme mixité au coeur d’un secteur parmi les plus masculinisés qui compte 20% seulement de femmes (moins de 6% dans sa filière marine, 3% à peine parmi les conducteurs d’engins routiers).
L’étude « stéréotypes » de l’été : comment sont perçu-es femmes et hommes dans les négos professionnelles?
la revue Organizational Behavior and Human Decision Processes a fait paraître en juillet les résultats d’une étude menée conjointement par les Universités de Berkeley et de Pennsylvanie sur les comportements des acteurs d’une négociation selon leur propre genre et celui de leurs interlocuteurs ou interlocutrices.
Une lecture rapide de l’étude pousserait d’aucun-es à conclure qu’en situation de négociation, les hommes sont plus menteurs que les femmes et davantage encore s’ils ont affaire à l’une d’elles. Mais ce serait aller trop vite en besogne, explique Laura Krey, l’une des auteures du rapport, dans une interview à Slate.com : il n’est pas question de valider des stéréotypes, dit-elle, mais de mettre en évidence la conscience des stéréotypes qu’ont les un-es et les autres et l’usage qu’ils et elles en font pour tenter de tourner la discussion à leur avantage. Concrètement, si les hommes mentent plus (sur leurs compétences, leurs expériences, leur rémunération) les femmes qui les reçoivent en entretien de recrutement n’en seraient pas dupes et intègreraient dans leur appréciation du candidat une marge d’exagération. Mais sont-elles aussi lucides dans la situation inverse, lorsqu’un recruteur, comptant sur leur légendaire sincérité féminine, les laisserait minimiser leur valeur?
Le débat de l’été : quelles visions ont et donnent des femmes nos séries TV préférées ?
Alors qu’aux Etats-Unis, la série Game of Thrones provoque des débats presqu’aussi sanglants que les scènes les plus rougeoyantes de la série elle-même sur la portée sexiste ou non du scénario (les pro-GOT salutant une galerie de femmes puissantes, les anti ou les repenti-es se disant lassé-es par le défilé des femmes nues incessamment réifiées), notre CSA bien français concoctait un rapport complet sur les rôles féminins dans les 40 séries télé les plus regardées.
Conclusions : alors qu’on les dit volontiers « multitâches » dans la vie (stéréotype s’il en est), les héroïnes de nos petits écrans semblent inaptes à mener de front carrière stimulante et vie personnelle équilibrée : entre froide workaholic au coeur de pierre (Claire Underwood dans House of Cards) ou à la vie sentimentale bordélique (Olivia Pope dans Scandal) et ménagère névrosée (comme les héroïnes de Scène de Ménage), il faut choisir! Alors, préférez-vous vous identifier aux 56% de « timides, émotives, maternelles ou empathiques » (mais un peu gourdes sur les bords) ou aux 44% de « rigoureuses, énergiques » (mais « sans état d’âme, faisant usage de violences verbales ou physiques« ) qu’a identifiées le CSA?
Mais si, mais si, on peut proposer des personnages féminins plus subtils que ça : pour celles et ceux qui en doutent, la fabuleuse série Borgen qui s’est achevée l’an passé gagne à être (re)regardée.
Et vous, quelles actualités marquantes retiendrez-vous de cet été?
Marie Donzel, pour le blog EVE