La mixité aux JO, on en parle ?

Noémie Messéan Actualité, Dernières contributions, Egalité professionnelle Leave a Comment

Les Jeux Olympiques de Paris seront les premiers de l’histoire à être paritaires : 5250 athlètes féminines et 5250 athlètes masculins sont attendu·es à ce grand rendez-vous sportif international. Mais parité signifie-t-il mixité ? Pas tout à fait. S’intéresser à la façon dont le sport traite de la question de l’égalité de genre est particulièrement intéressant pour penser le sujet en entreprise aussi.

Les « femmes de sport » ou l’exception à la règle du sport masculin

Disons-le d’emblée, le sport que l’on connait aujourd’hui s’est conçu comme un espace de séparation des sexes. D’ailleurs, le Baron de Coubertin, créateur des JO de l’ère moderne, était très défavorable à des Olympiades féminines qu’il jugeait « impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte ». Donc, à la (re)naissance des Jeux, pas question de voir des compétitrices. A cinq exceptions près : le tennis, la voile, le croquet, le golf et l’équitation où les femmes étaient autorisées à concourir.

Mais pourquoi donc ces sports-là ? Parce qu’ils avaient une tradition de « femmes de sport ». Une tradition perpétuée dans l’aristocratie qui formait les filles à quelques disciplines sportives comme on les formait à jouer de la musique, on les incitait à lire ou à peindre car cela entrait en quelque sorte dans la composition d’une « dot sociale ». Mais pas question pour autant de se montrer en vêtement de sport, de suer ou d’émettre des sons relatifs à l’effort. Tenue féminine exigée !

Gagner sa place sur le terrain… De la compétition !

A partir de là, l’histoire du sport féminin va être celle d’une conquête pour obtenir, discipline après discipline, le droit de participer. Aux Jeux d’Amsterdam en 1928, plusieurs sports sont ouverts aux femmes : athlétisme, gymnastique, natation… Mais les épreuves féminines ne représentent que 12% du total des compétitions présentées aux Jeux. Le chiffre monte à 17% en 1952 ; puis à 22% en 1972 ; 30% en 1988 ; 40% en 2000 pour atteindre 47% au tournant du XXIè siècle. C’est dire si le chemin a été long !

Ce chemin a été semé de plusieurs embûches. La question des tenues vestimentaires pour commencer, car il a longtemps été compris dans le règlement des fédérations que femmes et hommes ne devaient pas pratiquer une même discipline dans des costumes équivalents, obligeant pendant longtemps les femmes à pratiquer en robe ou jupe (ce qui, le bon sens l’indique, n’est pas nécessairement idéal pour la liberté de mouvements).

Il y a aussi eu la question de l’esthétique du sport : et l’on débattit à l’infini pour savoir si une femme qui lance le poids, qui joue au foot, qui nage le crawl ou qui boxe, c’était beau ou pas. Et si les spectacteur·ices avaient vraiment envie de voir les grimaces de l’effort sur le visage des femmes, la saillance des muscles sur leurs bras et poitrines… Est-ce à dire que l’on ne voulait pas voir de femmes puissantes, performantes, compétitives ? A méditer quand on serait tenté·e, toujours aujourd’hui, de dénigrer celles qui incarnent cette puissance, cette performance, cette compétitivité au motif que ce ne serait pas suffisamment « féminin »…

Le tabou de la mixité 

Aujourd’hui, les Jeux sont enfin paritaires ! Et toutes les disciplines sont ouvertes aux femmes. C’est dans l’absolu aussi vrai pour les hommes, mais cela ne veut pas dire que des épreuves soient organisées pour leur permettre de concourir dans des sports que l’on a longtemps considérés comme « féminins ». Ainsi, si en 2024, des équipes masculines vont pour la première fois s’affronter en natation artistique, ce ne sera pas encore le cas pour la gymnastique rythmique qui sera pour les Jeux de Paris le dernier sport unisexe. Mais l’athlète Peterson Ceus milite activement pour qu’enfin, on en termine avec la ségrégation genrée des disciplines.

Si l’on a largement progressé sur le plan de la représentation des femmes et des hommes dans tous les sports olympiques, une problématique reste quasi-entière : celle de la mixité. Dans la plupart des épreuves, les femmes concourent d’un côté et les hommes de l’autre. Mais pas ensemble. Il existe quelques exceptions : l’équitation, le relais 4×100 mixte en natation et en athlétisme…

Mais le principe général reste quand même de ne pas mettre ensemble femmes et hommes en même temps sur le même terrain, dans le même bassin, sur le même tatami, sur la même piste. Et pourquoi donc ? L’argument est tout trouvé : les physiologies masculine et féminine ne produisent pas les mêmes performances sportives !

La performance en question

Parlons-en de la performance ! En sport, il a jusqu’ici été bien compris que le but de la compétition, c’est de déterminer qui va le plus vite, le plus haut, le plus loin, le plus fort. Mais voilà que cette conception est bousculée par la fin annoncée des records. Vous avez peut-être déjà remarqué qu’il était devenu beaucoup plus rare aujourd’hui qu’il y 30 ans de voir un record battu lors d’une compétition officielle… Et de plus en plus fréquent que les nouveaux records fassent l’objet de suspicion de dopage. C’est bien normal, nous dit le rapport du Labo « Sport, expertise et performance » de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (IRMES) : il n’y aura plus de dépassement des limites humaines dans le sport d’ici à 2060.

Autrement dit, la question « qui est la personne la plus rapide du monde » ou « qui saute le plus haut » ou qui « lance le plus loin » sera définitivement tranchée. Cela risque de rendre nettement moins intéressantes certaines épreuves, qui pourraient même être appelées à disparaître. Avec la disparition de l’intérêt pour les capacités physiques poussées à l’extrême de l’individu, la problématique de la différenciation entre les capacités des femmes et celle des hommes à quelques micro-marqueurs près risque également de devenir caduque.

Plus vite, plus haut, plus fort, ENSEMBLE !

Il y a fort à parier pour que la performance sportive d’avenir soit davantage du côté des sports collectifs. Et le Comité international olympique ne s’y trompe pas en révisant sa traditionnelle devise « citius, atius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort) pour y ajouter à partir de 2021 « communiter » (ensemble).

En effet, tous les nouveaux sports qui sont créés sont des sports collectifs et la plupart sont d’ailleurs des sports dont les règles sont pensées pour qu’ils se jouent en mixité : le footgolf, le kinball, le korfball, le tchoukball, le goaltimate, le teqball… En parallèle, des sports traditionnels se redéploient pour se jouer en mixité, comme le basketball 3×3, le touch rugby, le foot en mixité réelle… Il en est aussi qui profitent de la rénovation des disciplines pour voir l’inclusion au sens plus large comme par exemple le volleyball assis qui permet à des joueurs valides et des joueurs en situation de handicap de partager le même terrain, les mêmes règles du jeu, les mêmes objectifs et les mêmes émotions en même temps.

Demain, le sport pourrait être encore plus enthousiasmant qu’aujourd’hui car tout un champ d’innovation s’ouvre à nous pour le réinventer, évidemment en mixité et dans la diversité. Voilà en parallèle un chantier d’innovation sociale passionnant qui s’annonce  aussi pour les entreprises : repenser la performance en partant du principe d’inclusion.

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE

 

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